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FRANÇOIS-XAVIER SAMSON LIBERMANN, ISRAÉLITE CONVERTI À LA FOI EN JÉSUS-CHRIST

Samson Libermann (1790 – 1860), frère aîné du futur François Libermann, vénérable et fondateur de la congrégation du Saint-Cœur de Marie, passe par les mêmes doutes et interrogations qui tarauderont son cadet après lui. Une éducation rabbinique stricte et volontairement fermée sur l’extérieur, au moment où les communautés juives s’émancipent (à partir de 1808), les conduit tous deux à une pensée déiste libre de toute contrainte. Mais le Christ se manifeste à eux : pour Samson, c’est par la lecture de l’Évangile. Il échange ses impressions avec sa femme qui chemine en même temps que lui : ils s’entraident dans la recherche de la vérité – vérité qui se révèle être Jésus-Christ. La conversion de Samson – qui, le jour de son baptême, le 15 mars 1824, prend le prénom de François-Xavier – est éclairante parce qu’il est marié et père de famille, quand nombre de ses anciens coreligionnaires convertis, hommes ou femmes, entrent dans les ordres. Sa vie est dès lors celle d’un authentique médecin catholique, animée par la charité.

© CC0 Unsplash, Soul devOcean.
© CC0 Unsplash, Soul devOcean.

 

LES RAISONS D'Y CROIRE :

  • Lazare Libermann, le père de Samson, fait partie des personnalités éminentes de la communauté juive présente alors en Alsace. Les conversions successives qui frappent sa famille le contrarient au plus haut point ; il maudit ses fils et décide d’en faire le deuil. Choisir le Christ, c’est pour Samson réellement quitter son père : une décision difficile qui ne peut donc pas être prise à la légère.
  • Samson Libermann estime que la religion catholique est l’aboutissement de la religion des Hébreux, révélée par Dieu à Abraham, à Moïse et à tous les prophètes de l’Ancienne Alliance. Il n’y a donc pas opposition pour lui entre ces deux « religions » (ce qui impliquerait que l’une serait vraie et l’autre fausse), mais continuité : la religion des Hébreux préparait celle de Jésus-Christ.
  • En effet, Samson Libermann connaît très bien les textes qu’il a étudiés non seulement dans la Bible hébraïque mais aussi dans la traduction grecque de la Septante. Il a lu les commentaires de la sainte Écriture que les Pères de l’Église ont rédigés. L’étude rigoureuse de tous ces textes l’amène à la conclusion que le Christ ne pouvait être que le Messie promis par Dieu à son peuple.
  • Le chevalier Drach, un ami de Samson, dans sa Première lettre d’un rabbin converti, aux israélites ses frères, sur les motifs de sa conversion, note : « En un mot... toutes les cérémonies de l’une se retrouvent dans l’autre, avec la différence que l’Église possède la réalité de ce dont la Synagogue n’offre que les figures » (ibid., p. 12). Jésus, Messie annoncé, le dit lui-même : « Je suis venu pour accomplir la loi et non pour la détruire » (Mt 5,17).

  • Philippe-Éphraïm Landau, dans un article intitulé « Les conversions dans l’élite juive strasbourgeoise sous la Restauration », envisage trois raisons principales au phénomène de la conversion : une quête intellectuelle qui devient quête spirituelle, un attrait pour la religion dominante, et enfin la haine de soi. Il écrit : « Plusieurs raisons ont concouru... à les détourner du judaïsme, en particulier le désir de quitter une communauté qu’ils jugeaient trop austère, l’indifférence voire la méfiance à l’égard des dogmes judaïques, l’attirance d’une société où le christianisme retrouve son importance après les années révolutionnaires et – cela nous paraît essentiel – l’amitié convaincante de Drach » (« Les Libermann de Saverne »). Mais un point essentiel fait défaut à cette liste, un point... ou plutôt une personne : Jésus-Christ.

  • C’est pourquoi ce n’est pas vers le catholicisme que Samson et ses frères, Théodore et Alphonse Ratisbonne, Jules Lewel et d’autres de leurs coreligionnaires se sont d’abord tournés en quittant le judaïsme, mais vers une sorte de rationalisme ou de déisme. « Dieu nous a donné la faculté de penser, non pour la laisser reposer, mais pour que nous en fassions usage […]. J’ai formé ma religion sur ma propre raison, et je ne crois pas commettre un crime, quand même je me tromperais dans quelques-unes de mes maximes, pourvu que je ne cause point de mal à mon prochain » (Lettre de François à Samson écrite en 1826, dans Notes et Documents relatifs à la vie et à l’œuvre du vénérable Libermann, p. 52). Ils auraient pu en rester là ; pourquoi faire le pas supplémentaire jusqu’au catholicisme ?

  • L’entrée de Samson Liberman et de sa femme dans l’Église n’est en effet pas la seule conséquence d’une évolution intellectuelle. C’est la rencontre avec une personne vivante bien que non visible, qui s’est manifestée à eux selon un mode qui dépasse celui de la nature ordinaire des choses et des êtres, et qui seule en rend raison : « [j’] étais plein de foi pour le Christ dont j’entrevoyais à peine les splendeurs », confesse François-Xavier dans une lettre de 1853 (ibid., p. 39).

  • À l’instar de Paul Drach, l’exemple de François-Xavier Samson Libermann et de sa femme fut évangélisateur et amena de nombreux anciens coreligionnaires à se convertir.

SYNTHÈSE :

Samson Libermann naît en 1790. Il est l’aîné des sept enfants d’Éliézer, fils de Samson, fils de David, qui a été élu en 1802 rabbin de Saverne, en Alsace. Suite au décret impérial de 1808, qui impose aux israélites d’adopter un nom de famille définitif, Éliézer choisit à contrecœur le prénom Lazard et Libermann pour patronyme, vieux nom polonais porté depuis plusieurs générations par la famille. Son épouse prend le nom de Léa Haller. Leurs enfants Samson, David, Hénoch et Esther gardent leur prénom ; Falik devient Félix ; Jekel devient Jacob (le futur François Libermann, fondateur de la Société du Saint-Cœur de Marie) ; et Samuel Sannel, Nathanaël. Titularisé comme rabbin de Saverne en 1809, Lazard Libermann laisse à ses contemporains le souvenir d’un homme inflexible en matière religieuse et, pour se défendre et défendre sa famille contre – selon lui – l’impiété des non-juifs, fermé à la culture environnante. Il est en cela fidèle à l’enseignement de son maître de Lublin, le grand rabbin Azriel Hurwitz, surnommé « Tête de fer » en raison de l’intransigeance de ses principes. L’enseignement dispensé dans la yeshiva de Lubin, donné exclusivement à l’oral et en yiddish, ne porte alors que sur le Talmud et la Cabbale. Pour ne pas « profaner » des intelligences destinées à l’étude de la Thora, aucune étude profane n’est autorisée : mathématiques, histoire, géographie, sciences naturelles, de même que l’étude des langues chrétiennes (polonais, russe, allemand, français...), ne peuvent en aucune manière constituer des matières de connaissance (N. D., p. 35-36).

Jacob (le futur François), orphelin de sa mère à onze ans, souffre de la dureté que son père a héritée de sa propre formation, et les deux professeurs de l’école israélite, auxquels Lazare confie François quarante-cinq plus tard, sont taillés dans la même veine : « [Brucken] me reçut avec une hauteur et une morgue qui me blessèrent profondément et me firent, dès les premiers jours, renoncer à le voir... [Le second, Worms] me porta d’abord de l’intérêt, mais cela ne dura pas. Je voulais m’instruire et, pour cela, je me mis à étudier le français et même le latin. Il n’en fallait pas tant pour me faire perdre les bonnes grâces de mon protecteur. Les anciens rabbins avaient, par esprit de fanatisme, une telle horreur pour toute langue différente de l’hébraïque et en craignaient tellement l’influence que mon père, en particulier, ne savait écrire ni en allemand ni en français. Mon nouveau maître était de la même école : aussi, grande fut sa colère quand il s’aperçut que je ne marchais pas dans la même voie. Cependant, il ne m’en fit pas d’abord des reproches ouverts (sans doute pour ne pas être accusé de mépriser les décisions du Consistoire !) Mais il se montra à mon égard plein de dureté et de prévention ; il me rudoyait sans cesse, et n’avait jamais à m’adresser que des paroles assaisonnées de mauvaise humeur » (ibid., p. 51). François nous renseigne ainsi précisément sur une situation par laquelle tous ses frères ont dû passer, et qui leur a tous inspiré une profonde aversion pour leTalmud.

À dix-huit ans une fois achevée l’école préparatoire sous la férule de son père, Samson part à Mayence commencer les Hautes Études talmudiques. Il est nécessaire de préciser qu’à côté de l’enseignement talmudique traditionnel, une nouvelle façon de voir a éclos, laquelle s’accommode des prescriptions demandées par Napoléon et se veut libérale, c’est-à-dire ouverte au monde moderne. Samson l’embrasse, ainsi que François, à son exemple. C’est ainsi que Samson, à Mayence, abandonne le Talmud pour étudier le français, le latin, le grec ancien et l’anglais (ibid., p. 36). « Longtemps avant ma conversion, rapporte-t-il, les subtilités et les absurdités du Talmud m’avaient inspiré un dégoût tel que je me sentais profondément humilié de m’occuper de choses aussi insipides... » (N. D., p. 38). Il lit aussi à l’époque les œuvres de Voltaire et de Rousseau : mauvaises lectures, comme il le dira lui-même plus tard, qui forgent en lui une sorte de religion sentimentale « qui imposait fort peu d’obligations et qui était fort peu gênante » (ibid.) Quand le typhus ravage la ville, en 1813, lors de la déroute de la grande armée, Samson se dévoue auprès des malades en tant qu’officier de santé. Il comprend alors à quelle tâche dédier sa vie. Après avoir obtenu seul le baccalauréat qui était à l’époque un examen complexe et difficile, il suit comme interne les cours de l’hôpital de Strasbourg. À trente ans, en 1820, sa thèse soutenue, il s’établit dans cette ville, au sein de la communauté juive. Il pense quelque temps, en accord avec des intellectuels israélites, travailler à dégager la religion de Moïse des préceptes rabbiniques et la rétablir dans sa pureté première : l’esprit d’adoration, de gratitude, d’amour et de confiance qui l’anime. Le rabbinisme confond pour lui le fond et la forme, et proclame que la seconde tient lieu du premier. « Le culte rabbinique, écrit-il, est tellement vicieux qu’il avilit le cœur et l’esprit de l’homme en lui présentant la divinité comme un être capricieux se plaisant uniquement dans les simagrées de ses serviteurs » (ibid., p. 44). Plus tard, il comprendra que Jésus-Christ a accompli cette tâche et que c’est encore lui qui peut la réaliser dans le cœur des juifs au milieu du XXe siècle (ibid., p. 45) en ôtant « de leurs yeux le bandeau qui les couvre » (ibid., p. 43).

Après six ans de fiançailles, parce que la famille de sa future exige qu’il obtienne d’abord son diplôme et qu’il s’assure une clientèle suffisante, Samson épouse Antoinette Meylert, en 1821. Elle partage les dispositions religieuses de son mari. En 1826, Jacob (le futur François) rend visite à son frère, qui est alors médecin et maire de la ville d’Illkirch. Samson lui remet une lettre de recommandation destinée au chevalier Drach, un de ses amis d’enfance, très versé dans les langues bibliques et qui, d’abord rabbin, s’est converti et a été baptisé en 1823. Cet homme, par sa science, a une influence prépondérante sur Jacob. Un jour de novembre, ce dernier, encore juif – du moins de tradition – semet à genoux sous l’influence de la grâce, en demandant à Dieu la lumière, et se relève chrétien (ibid., p. 34, 65-66 et 100-102). Paul Louis Bernard Drach est aussi l’instrument que Dieu choisit pour admettre en son Église trois autres des frères Libermann : David, baptisé Christophe ; Felkel, baptisé Félix ; et Samuel, baptisé Alphonse (ibid., p. 23-30). Les six frères, du reste, se convertissent au catholicisme, hormis peut-être Hénoch, dont on ne sait presque rien. Au cours de cette visite, Jacob présente à Samson plusieurs objections contre la foi. Il rejette notamment les miracles rapportés dans le Pentateuque. « Pourquoi n’en voit-on plus aujourd’hui ? », argumente-t-il. « C’est qu’ils ne sont plus nécessaires depuis l’avènement de Jésus-Christ, répondait son frère aîné. Les miracles avaient pour but de préparer les cœurs à la venue du Messie » (ibid., p. 62).

À la lecture d’un Évangile, prêté par des voisins luthériens, Samson et sa femme s’enthousiasment pour la doctrine du Christ, qu’ils évoquent souvent entre eux. Ils décident ensemble, sans attendre leur propre conversion, de faire baptiser leur enfant qu’attend Élisabeth. Déçu par le président de la confession d’Augsbourg qui lui répond que le baptême n’a pas tant d’importance (ibid., p. 38-39), Samson rend visite au chanoine Léopold Liebermann, vicaire général de Strasbourg, qui lui recommande de lire les œuvres de Bossuet, qu’il conseillera lui-même à son tour à son frère Jacob (ibid., p. 52). Les époux Libermann sont baptisés le 15 mars 1824 (ibid., p. 95). Samson choisit de s’appeler désormais François-Xavier. Quatre filles, Pauline, Caroline, Marie et Théodora, arrivent ensuite. Elles deviendront religieuses au couvent des Sacrés-Cœurs de Louvencourt, à Amiens, à l’exception de Marie, qui mourra à trente ans. Ils ont aussi trois fils : François-Xavier, qui deviendra Spiritain, Henri, qui sera médecin militaire et Léo, officier général. Ses enfants feront preuve au cours de leur vie de la même charité que leur père, qui avait montré l’exemple : n’a-t-il pas veillé sur leur instruction religieuse avec soin, les interrogeant sur le catéchisme et choisissant leurs lectures ? Il leur enseigne lui-même, quand ils parviennent à l’âge de deux ans, le Notre Père et la salutation angélique (ibid., p. 23). Le chapelet est récité en famille le samedi, en l’honneur de la Sainte Vierge.

François-Xavier Libermann laisse la mémoire d’un médecin savant en littérature allemande et française, assidu à étudier les progrès de son art pour en faire bénéficier ses patients, et consciencieux. Ses enfants témoigneront de son esprit de mortification. On lui reconnaît une profonde charité. À Strasbourg, il devient président de la Société de Saint-Vincent de Paul et soigne le clergé des différentes communautés de la ville. Il soigne son frère François dans sa dernière maladie.

Il meurt le 14 janvier 1860, et il est enterré dans le cimetière de la communauté du Saint-Esprit, à Langonnet, par les soins des religieux et de ses propres fils.

Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.


AU-DELÀ DES RAISONS D'Y CROIRE :

On lit sous la plume de Samson, à propos de la conversion de son frère François : « Le Seigneur m’ayant fait la grâce, malgré mon indignité, de m’appeler le premier de ma famille au sein de l’Église, l’ascendant, que de tout temps j’avais exercé sur lui, était, je n’en doute pas, un des principaux moyens dont le Seigneur se servit pour le rappeler à lui » (ibid., p. 51). On sait que ce jugement a été ratifié par l’intéressé lui-même dans une lettre de 1826 : « Mon cher frère... il paraît que tu avais douté de mon amitié depuis ton changement de religion. Quand même je serais le plus grand zélateur de la synagogue, je ne saurais discontinuer d’avoir pour mes frères ce sincère attachement qui, nourri en moi dès ma plus tendre enfance, faisait toujours mes délices et mon bonheur » (ibid., p. 52).

Au vu du faîte de sainteté auquel la grâce a élevé le vénérable François – sainteté qui, selon les principes du chevalier Drach et de Samson lui-même, n’est que l’aboutissement de l’union à Dieu déjà préfigurée dans les préceptes de Moïse vécus avec intériorité au quotidien – on peut présumer des vertus naturelles et surnaturelles de son frère aîné.

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